Vous l’attendiez, la voilà, l’édition d’été du Club de Lecture Féministe des Antigones !
Après une belle année d’éditions thématiques mensuelles, puis désormais bimensuelles, Pauline et moi avons décidé de renouveler l’expérience de l’été dernier en vous proposant une édition spéciale pour les vacances. Car qui dit vacances, dit pas de contraintes, et plutôt une envie de se détendre avec des lectures un peu moins sérieuses que les précédentes et de partir à la découverte de nouvelles autrices !
Dans cette perspective, nous avons eu l’idée de vous proposer une édition spéciale « Femmes de science-fiction ».
Pourquoi cette édition ?
D’abord, parce que nous avions envie de sortir de la littérature dite « blanche », trop souvent considérée comme « supérieure » par rapport à la littérature de genre, dont la SF fait partie. J’ai grandi entourée de textes de Balzac, Duras, Proust ou Mallarmé, mais aussi de Tolkien, Isaac Asimov, David Eddings ou Aldous Huxley, et ces récits ont bercé mon adolescence et mon imagination. Même si mon cœur penche toujours davantage vers la fantasy que la SF pure et dure, je pense qu’il est plus que temps de donner toutes ses lettres de noblesse à cette littérature, qui mérite toute notre attention et notre admiration.
D’autre part, parce que la science-fiction reste un univers traditionnellement associé aux hommes. Beaucoup de romans dans ce domaines sont écrits par des hommes ou, du moins, ce sont principalement des auteurs masculins qui viennent à l’esprit quand on songe à ce type de littérature, que ce soit parmi les plus classiques (Jules Verne, Isaac Asimov, George Orwell, Dan Simmons, Frank Herbert, Ray Bradbury…) que les plus récents (David Brin, Peter Watts, Andy Weir…). Or les femmes sont nombreuses également à écrire de la science-fiction et elles sont malheureusement trop souvent tendance à être invisibilisées. N’oublions pas à ce titre que l’une des premières oeuvres de science-fiction, Frankenstein, a été écrite par une femme, Mary Shelley !
Enfin, parce que beaucoup de récits de science-fiction ont pour personnages principaux des hommes et que rares sont les femmes qui y détiennent un rôle majeur. Parfois, il s’agit bien sûr du reflet d’une époque, comme chez Jules Verne, mais cela est bien plus problématique quand il s’agit de littérature contemporaine. Ces représentations nous influencent, liant les récits de progrès techniques et scientifiques à la sphère masculine, et empêchant les filles et femmes de s’identifier à ces univers. Or il existe de nombreux romans passionnants, dont les rôles principaux sont occupés par des femmes, tout aussi fortes et badass que leurs complices masculins.
Bref, c’est pour toutes ces raisons que nous avons voulu vous proposer cette édition 100% réservée aux autrices de science-fiction. Nous y avons entendu ce terme au sens large, qu’il s’agisse de SF plus ou moins traditionnelle, d’utopies/dystopies, ou bien de post-apocalyptique. Nous espérons en tout cas que cette sélection vous plaira et vous inspirera sur la plage cet été !
La cinquième saison (Les Livres de la Terre fracturée #1)
Jemisin, N.K.
Résumé : la terre tremble si souvent sur votre monde que la civilisation y est menacée en permanence. Le pire s’est d’ailleurs déjà produit plus d’une fois : de grands cataclysmes ont détruit les plus fières cités et soumis la planète à des hivers terribles, d’interminables nuits auxquelles l’humanité n’a survécu que de justesse. Les gens comme vous, les orogènes, qui possédez le talent de dompter volcans et séismes, devraient être vénérés. Mais c’est tout l’inverse. Vous devez vous cacher, vous faire passer pour une autre. Jusqu’au jour où votre mari découvre la vérité…
Une sélection qui commence très fort, puisqu’elle met à l’honneur N. K. Jemisin, une autrice afro-américaine reconnue, qui a reçu de nombreux prix pour ses romans, parmi lesquels le prix Hugo du meilleur roman pour la trilogie des Livres de la terre fracturée, dont La cinquième saison est le premier tome.
La main gauche de la nuit
Le Guin, Ursula K.
Résumé : sur Gethen, la planète glacée que les premiers hommes ont baptisée Hiver, il n’y a ni hommes ni femmes, seulement des êtres humains. Des androgynes qui, dans certaines circonstances, adoptent les caractères de l’un ou l’autre sexe. Les sociétés nombreuses qui se partagent Gethen portent toutes la marque de cette indifférenciation sexuelle. L’Envoyé venu de la Terre, qui passe pour un monstre aux yeux des Géthéniens, parviendra-t-il à leur faire entendre le message de l’Ekumen ?
On ne présente plus Ursula K. Le Guin, écrivaine américaine de science-fiction et de fantasy, dont l’oeuvre a remporté de très nombreux prix et récompenses. Ce splendide roman, le quatrième du Cycle de l’Ekumen, a obtenu le prix Hugo.
Cinder (Les chroniques lunaires, #1)
Meyer, Marissa
Résumé : humains et androïdes cohabitent tant bien que mal dans la ville de Néo-Beijing. Une terrible épidémie ravage la population. Dans l’Espace, un peuple sans pitié attend son heure… Personne n’imagine que le salut de la planète Terre repose sur Cinder, brimée par son horrible belle-mère. Car la jeune fille, simple mécanicienne à demi humaine, détient sans le savoir un secret incroyable, un secret pour lequel certains seraient prêts à tuer…
Américaine, Marissa Meyer a été éditrice pendant cinq ans et a écrit de nombreuses fanfictions pour la série Sailor Moon sous le pseudonyme d’Alicia Blade. Les Chroniques Lunaires est la première série qu’elle publie.
Herland
Perkins Gilman, Charlotte
Résumé : trois Américains, intrigués par des légendes locales, découvrent sur une haute montagne un petit pays mystérieux et, à leur grand étonnement, seulement peuplé de femmes. Ils sont les premiers mâles à visiter Herland en près de deux mille ans. Herland est l’une des utopies féministes les plus réussies jamais écrites.
Paru en 1915, ce roman de la sociologue Charlotte Perkins Gilman a rencontré un grand succès en son temps, avant d’être oublié pendant plusieurs dizaines d’années. Redécouvert par la nouvelle génération féministe des années 1960, il n’a été traduit en français qu’en 2016. Un roman culte du féminisme américain à découvrir absolument.
Le pouvoir
Alderman, Naomi
Résumé : aux quatre coins du monde, les femmes découvrent qu’elles détiennent le « pouvoir ». Du bout des doigts, elles peuvent infliger une douleur fulgurante – et même la mort. Soudain, les hommes comprennent qu’ils deviennent le « sexe faible ». Mais jusqu’où iront les femmes pour imposer ce nouvel ordre ?
Le Pouvoir est un roman dystopique de science-fiction féministe de Naomi Alderman, publié en 2016 au Royaume-Uni et en 2018 en France. Débutant comme un conte sur la prise de pouvoir par les femmes, le roman s’assombrit et interroge la notion de pouvoir et ses abus.
La servante écarlate
Atwood, Margaret
Résumé : devant la chute drastique de la fécondité, la république de Gilead, récemment fondée par des fanatiques religieux, a réduit au rang d’esclaves sexuelles les quelques femmes encore fertiles. Vêtue de rouge, Defred, « servante écarlate » parmi d’autres, à qui l’on a ôté jusqu’à son nom, met donc son corps au service de son Commandant et de son épouse. Le soir, en regagnant sa chambre à l’austérité monacale, elle songe au temps où les femmes avaient le droit de lire, de travailler… En rejoignant un réseau secret, elle va tout tenter pour recouvrer sa liberté.
Paru pour la première fois en 1985, La Servante écarlate s’est vendu à des millions d’exemplaires à travers le monde. Devenu un classique de la littérature anglophone, ce roman décrit un quotidien glaçant qui n’a jamais semblé aussi proche, nous rappelant combien nos libertés sont fragiles. La série adaptée de ce chef-d’oeuvre de Margaret Atwood, diffusée sous le titre original The Handmaid’s Tale, a été unanimement saluée par la critique.
Station Eleven
St. John Mandel, Emily
Résumé: un soir d’hiver à l’Elgin Theatre de Toronto, le célèbre acteur Arthur Leander s’écroule sur scène, en pleine représentation du Roi Lear. Plus rien ne sera jamais comme avant. Dans un monde où la civilisation s’est effondrée, une troupe itinérante d’acteurs et de musiciens parcourt la région du lac Michigan et tente de préserver l’espoir en jouant du Shakespeare et du Beethoven. Ceux qui ont connu l’ancien monde l’évoquent avec nostalgie, alors que la nouvelle génération peine à se le représenter. De l’humanité ne subsistent plus que l’art et le souvenir. Peut-être l’essentiel.
Née au Canada en 1979, Emily St. John Mandel a été finaliste du National Book Award. Station Eleven l’a imposée comme l’une des romancières les plus reconnues d’Amérique du Nord.
Dans la forêt
Hegland, Jean
Résumé : rien n’est plus comme avant. Le monde tel qu’on le connaît semble avoir vacillé, plus d’électricité ni d’essence, les trains et les avions ne circulent plus. Des rumeurs courent, les gens fuient. Nell et Eva, dix-sept et dix-huit ans, vivent depuis toujours dans leur maison familiale, au cœur de la forêt. Quand la civilisation s’effondre et que leurs parents disparaissent, elles demeurent seules, bien décidées à survivre. Il leur reste, toujours vivantes, leurs passions de la danse et de la lecture, mais face à l’inconnu, il va falloir apprendre à grandir autrement, à se battre et à faire confiance à la forêt qui les entoure, emplie d’inépuisables richesses.
Jean Hegland a essuyé environ vingt-cinq refus d’éditeurs avant que son manuscrit ne soit accepté par Calyx, un petit éditeur féministe à but non lucratif, puis ne connaisse un succès international. Il a été adapté au cinéma en 2015 avec Ellen Page et Evan Rachel Wood dans les rôles principaux.
Trois fois la fin du monde
Divry, Sophie
Résumé : après un braquage avec son frère qui se termine mal, Joseph Kamal est jeté en prison. Gardes et détenus rivalisent de brutalité, le jeune homme doit courber la tête et s’adapter. Il voudrait que ce cauchemar s’arrête. Une explosion nucléaire lui permet d’échapper à cet enfer. Joseph se cache dans la zone interdite. Poussé par un désir de solitude absolue, il s’installe dans une ferme désertée. Là, le temps s’arrête, il se construit une nouvelle vie avec un mouton et un chat, au cœur d’une nature qui le fascine.
Sophie Divry est une écrivaine française dont le cinquième roman, Trois fois la fin du monde, présente l’histoire revisitée d’un Robinson Crusoé plongé jusqu’à la folie dans son îlot mental. Elle est également chroniqueuse dans l’émission Des papous dans la tête sur France Culture.
Et voilà, nous espérons vivement que cette petite sélection vous inspirera et que vous glisserez quelques uns de ces titres dans votre valise ou votre sac de plage cet été ! N’hésitez pas à parler de vos lectures sur les réseaux sociaux et de nous tagguer en utiliser le hashtag #CLFAntigones ! Nous nous ferons une joie de vous lire et de partager vos critiques.
Bonne lecture et bel été !
15 comments
Bonjour Ophélie et Pauline, merci beaucoup pour cette revue qui tombe à pic car je voulais faire le plein de SF cet été ! Je viens juste d’écouter d’ailleurs le podcast de l’émission de la Méthode scientifique consacrée à ce sujet le 28 juin (malheureusement une seule autrice citée par les invités, Catherine Dufour qui vient de publier « Entends la nuit », chez l’Atalante). Je vous signale une autrice SF que j’apprécie particulièrement : Ann Leckie (Chroniques du Radch). Bel été à toutes.
Quelle belle idée de thème!
Une autre oeuvre qui aurait pu faire partie de la sélection: le trop méconnu « Moi qui n’ai pas connu les hommes » de Jacqueline Harpman, une fabuleuse autrice/psychanalyste belge disparue il y a quelques années.
Le pitch: « Elles sont quarante, enfermées dans une cave, sous la surveillance d’impassibles gardiens qui les nourrissent.
La plus jeune – la narratrice – n’a jamais vécu ailleurs. Les autres, si aucune ne se rappelle les circonstances qui les ont menées là, lui transmettent le souvenir d’une vie où il y avait des maris, des enfants, des villes. Mystérieusement libérées de leur geôle, elles entreprennent sur une terre déserte une longue errance à la recherche d’autres humains – ou d’une explication. Elles ne découvrent que d’autres caves analogues, peuplées de cadavres.
On a pu parler de Kafka, de Paul Auster ou du Désert des Tartares au sujet de cette oeuvre à la fois cauchemardesque et sereine, impassible et bouleversante. »
Et je confirme, c’est un roman dystopique rare, angoissant et formellement très beau.
Merci pour ces conseils de lecture!
J’adore le thème, et j’ai pris note de ces ouvrages, impatiente de les lire!
Merci!
Wouah quelle magnifique liste inspirante ! J’etais justement en train de me dire que j’allais me replonger dans la Sf et me faisait la reflexion que jusque la je n’avais lu que des auteurs masculins. Alors merci pour cette liste !
Bsr Ophélie,
Je ne suis ni fantaisy ni sf mais ce sera l’occasion de découvrir de nouveaux auteures.
Merci pour la sélection.
Bonjour Ophélie, j’ai très envie de lire Station Eleven. Des livres qui parlent de livres, je mords toujours à l’hameçon 😀
Je suis curieuse de savoir quel(s) titre(s) Pauline et toi allez glisser dans vos sacs de vacances? Réponse à la rentrée j’imagine.
Bel été,
Linda
Hello Linda ! Pour ma part j’ai déjà lu Station Eleven (excellent choix ;)), La Servante écarlate, Dans la forêt et Le Pouvoir. Je vais très probablement me pencher sur Herland et sur le livre de Ursula K. Le Guin ! Bonne lecture et bel été !
Bonjour Pauline, merci de ta réponse!
Bonne déconnexion et bonnes lectures 🙂
Merci beaucoup pour cette liste ! J’aime beaucoup le post-apocalyptique, j’ai adoré Station Eleven et Dans la forêt !
Herland me tente vraiment bien… j’ai également repéré un livre qui s’appelle « Le Mur Invisible » de Marlen Haushofer…
Hello 🙂 En complément de cette première sélection, je suggère également Catherine Dufour (pré-citée ci-dessus), Sabrina Calvo, Mélanie Fazi, Justine Niogret, Doris Lessing, luvan, Elizabeth Vonarburg, James Tiptree, Octavia Butler … <3
Merci pour cette très belle sélection ! Quel plaisir de sentir toutes ces histoires frissonner dans les noms, les couvertures, les titres… C’est un bonheur 🙂 Merci à toutes les deux pour ce club de lecture, profondément inspirant et à tous les commentaires qui le font vivre. (Je n’avais pas encore commenté mais j’ai ressenti un tel plaisir à la lecture de cet article !)
Merci beaucoup pour toutes ces bonnes idées lectures ! Du coup, je me demandais si tu avais déjà fait un article conseil sur des lectures fantasy, ça m’intéresserait bien !
Et si tu as d’autres dystopies à conseiller, j’ai déjà lu les 3 proposées. Merci d’avance !!
[…] XXI propose une alléchante sélection de livres de SF écrits par des femmes : je n’ai lu que Station Eleven et Dans la forêt (dont La Geekosophe et Alberte Bly ont […]
Très chouette article ! Je viens de lire Station Eleven qui a été presque un coup de cœur. Je me note Herland qui m’a l’air sympa et que je ne connaissais pas du tout 😉
Cela faisait très longtemps que je n’étais pas venue sur ce blog ! Je suis ravie de la ligne « directrice » qu’il a pris. Je viens donc de découvrir le club de lecture, quelle merveilleuse idée !! Il me tarde de commencer !