Vous êtes nombreux·ses à me poser des questions sur mes recherches et je dois dire, celles-ci prenant une part considérable dans ma vie, j’ai envie de communiquer davantage dessus. En attendant de vous présenter mon travail de façon plus théorique, je vous emmène avec moi sur le terrain. Cette vignette s’appuie sur mon travail d’enquête ethnographique, que je mène à Berlin depuis 2019 auprès de mouvements alimentaires alternatifs (jardins partagés, collectifs contre le gaspillage alimentaire, cuisines populaires, etc.). Les participant·es mentionné·es ont été anonymisé·es.
Je prépare mon sac-à-dos, des sachets en papier, et me voilà en route pour ma mission du jour. Direction : le magasin bio. J’y retrouve Alex et Chiara, venu·es à vélo. Sacoches hermétiques bien arrimées à leurs bicyclettes, gants pour manipuler les fruits trop mûrs, couteaux pour retirer les morceaux abîmés : ce sont des professionnel·les de la récup’ alimentaire. Ici, pas de voiture ni de camionnette : à pied, vélo ou métro, on fait avec les moyens du bord. Il n’y a pas vraiment de budget pour louer un véhicule ou pour payer l’essence, et c’est plus écologique.
Nous traversons le magasin sans nous arrêter devant les étals regorgeant de fruits et légumes brillants, direction un petit corridor où la clientèle ne met pas les pieds : c’est le couloir des invendus, tous ces vilains aliments qui ont déchu, du statut de mets courus, à celui de vilains petits canards de la consommation. A nos pieds, mangues mûres, poires blettes, pommes fripées, mais également concombres, panais et choux-fleurs en parfait état : le magasin a reçu un nouvel arrivage le matin-même, il faut faire de la place sur les étals. Dans un cageot rebaptisé « boîte au trésor », les denrées plus sophistiquées : œufs approchant leur date de péremption, paquets de muesli entrouverts, yaourts à la coco ayant chuté à terre, et puis, parfois, des kilos de fruits secs, poudres protéinées et même crèmes de beauté. Les vivres récoltées partiront dans des banques alimentaires et frigos publics ou bien seront allégrement distribuées parmi les volontaires. Les jours de cuisine collective, elles partent directement au QG de l’association, situé dans une coopérative de logements du nord-ouest berlinois. Les membres s’y retrouvent pour cuisiner plusieurs fois par mois des dîners ouverts à tous et à toutes. Et ça tombe bien, ce soir, c’est dîner collectif !
Quand j’arrive en cuisine, c’est l’effervescence. Plusieurs volontaires s’y affairent déjà : pas un homme en vue, n’y a-t-il que des femmes pour mettre la main à la pâte ? La petite pièce retentit du son des couteaux qui tranchent, des cuillères qui touillent, des rires qui fusent. L’allemand se mêle à l’anglais, les accents voyagent, les « r » sont roulés dans l’air comme les gousses d’ail sur les planches en bois. La cuisine résonne de notes fumées, de saveurs relevées, ça sent bon un joyeux repas qui s’annonce. J’y discute avec Roxane, qui a rejoint le projet il y a quelques mois de cela. Le militantisme de rue ou au sein de partis politiques, ce n’est pas son truc. Ce qu’aime cette Française installée depuis plusieurs années à Berlin, c’est cuisiner pour les gens, faire bouger le monde à son échelle.
« Peut-être que toi, en tant qu’individu, tu vas changer le quotidien d’une, deux, trois, dix personnes autour de toi : combien ces personnes vont aussi en parler autour d’elles ? Même si notre impact paraît être un grain de sable perdu dans un immense sablier, je pense quand même qu’il a de la valeur. Peut-être que je veux le croire… » m’explique-t-elle, mi-convaincue, mi-hésitante.
Bientôt, la salle attenante à la cuisine se peuple. Plutôt jeunes, les habitué·es viennent autant pour la convivialité du moment que parce qu’iels en partagent les valeurs. Beaucoup sont engagé·es dans d’autres initiatives en faveur d’une alimentation plus responsable. Nombreux·ses sont également les étudiant·es à y apprécier un buffet aussi copieux à prix libre. Dans la boîte servant à recueillir les donations, on y glisse un, deux, trois euros, rarement plus. Chacun et chacune prend place dans la queue pour remplir son assiette. Les tables sont communes, tout le monde mange ensemble, cuisinières et responsables, volontaires et nouveaux venus. Des enfants jouent entre les chaises, on ouvre une bouteille de bière, on parle, on rit, on se ressert. Je discute avec Roxane et Chiara autour de nos assiettes copieuses.
« Mais qu’est-ce que ça change, concrètement, de collecter les invendus ? En quoi cela questionne la surproduction capitaliste derrière ? On récolte ce qu’on gaspille, mais est-ce qu’il ne faudrait pas plutôt moins produire pour moins gaspiller ? »
Toute en finesse, je mets les pieds dans le plat (heureusement, au sens figuré). Chiara acquiesce :
« J’ai toujours dit qu’en faisant ça, on met un petit pansement sur une énorme plaie infectée ! »
« Oui, mais ça permet de changer les habitudes, objecte Roxane, ce n’est pas juste les supermarchés, c’est un travail de responsabilisation des individus. Si tu vois une pomme un peu abîmée sur les étals, tu ne vas pas la prendre, car il y en a cent autres à côté qui sont parfaites. Tous ces aliments parfaitement mangeables finissent à la poubelle à cause de nous. On ne se rend pas compte de combien on gaspille chaque jour.
– Mais cette éducation à ne pas gaspiller, avec son côté « petit geste vert », en quoi remet-elle en question le système économique dans sa globalité ? je rétorque, la bouche encore pleine.
– C’est totalement dans ma crise existentielle du moment : c’est beaucoup de temps et d’énergie pour essayer de faire tous ces petits gestes. Est-ce qu’on se ferait pas mieux de les mettre dans des actions politiques d’envergure ? » Chiara pousse un soupir.
Autour d’elle, le silence se fait. En quelques mots, nous sommes au cœur du sujet : comment répondre, en tant qu’individu, à la crise environnementale et sociale ? Les tirades de responsabilisation individuelle, façon « Sois le changement que tu veux voir en ce monde » ou « Nous sommes tous des colibris » semblent avoir vécu. Plus personne ne veut croire qu’en triant religieusement nos déchets et en évitant les pailles jetables, nous allons renverser le changement climatique. Tous ces petits gestes, qui nous prennent à la fois temps et énergie, donnent l’idée que tant qu’on s’agite, les choses changeront. Mais on omet par là-même les causes collectives et structurelles de la dégradation de notre environnement.
Plutôt que s’interroger sur le fait qu’un tiers de la nourriture produite dans le monde part à la poubelle et s’attaquer à la source du problème, c’est-à-dire à l’organisation de la production et de la distribution, on promeut la politique du pansement. Un pansement qui ne remet jamais en cause la logique capitaliste de surproduction et qui, peut-être même, l’accommode : non seulement on produit en trop grande quantité, mais il y a par ailleurs toujours des volontaires pour récolter et redistribuer ce surplus. Mais en attendant de révolutionner le système, que faut-il faire des invendus ? Faut-il les laisser partir à la poubelle ?
« C’est une question épineuse. Si on attend le démantèlement du système capitaliste pour agir, alors on ne fait rien. Il y a des gens qui ont faim et qui ont besoin de cette nourriture gratuite. Il faut essayer de faire les deux en même temps, mais en tant que militant·es, on manque à la fois de temps et d’argent pour tout mener de front… »
C’est doublement remplie que je rentre chez moi : mon ventre, de bonnes choses ; mon cerveau, de questions. Des questions qui ne cessent de me travailler et que je me pose, sous différentes formes et diverses façons, à travers mon travail de recherche. Il me faudra, pour espérer des réponses, aller à la rencontre d’autres terrains, d’autres projets. Mon enquête ne fait que commencer.
* * *
J’espère que ce « Carnet de terrain » vous a plu. Retrouvez-le dans dans un nouvel onglet du menu, intitulé « Research ». Si vous avez des critiques ou avis sur les thèmes évoqués dans cet article, merci de ne pas cibler les participant·es ou l’association décrite ici. N’hésitez pas à me dire si d’autres articles, à la fois sur mes recherches et sur LA recherche de façon plus générale, vous intéresseraient !
29 comments
Ce nouvel angle d’articles m’intéresse beaucoup !
J’aime beaucoup découvrir l’envers du décor et tout ce qu’implique une recherche.
Merci !
Bonjour Ophélie et merci pour ce billet, qui rejoint exactement mes cogitations du moments, après beaucoup d’agitation pour « être le changement que je veux voir en ce monde.. Je ne cesse de m’interroger…
Hâte de lire les suivants 🙂
Grosse interrogation, effectivement. Ca fait longtemps que j’ai envie d’écrire sur la responsabilisation individuelle face à la question environnementale, j’essaierai de le faire prochainement !
Je suis très intéressée par cette nouvelle rubrique, à la fois comme tu dis sur tes recherches et la recherche plus généralement. Vivement la suite, et merci pour cet article 🙂
Je suis tout à fait pour ce genre d’articles. C’est très intéressant. merci !
Bjr Ophélie,
Je trouve cet article passionnant et soulève de vraies questions. C’est intéressant de savoir en quoi consiste tes recherches. J’ai hâte de lire la suite.
Merci beaucoup, j’avais vraiment envie de partager davantage mon travail ici, qui prend une sacrée part de ma vie (et me passionne !).
Merci pour cet article 🙂
C’est une réflexion très intéressante, et une manière de raconter la recherche que je trouve très vivante !
Merci beaucoup ! 🙂
Merci pour cet article. Parfois en supermarché je suis tiraillée entre « est ce que je prends ce produit un peu abîmé » et « pourquoi je me « sacrifierait » en payant pour un produit de moindre qualité ? On trouve maintenant toujours un rayon « fin de date de péremption », mais ton article sur les légumes et fruits me fais penser qu’on ne les vois jamais dans mon supermarché en « bas prix ».
En tout cas c’est sûr, agir comme ça, même si ça n’a un impact que faible, j’imagine que pour les membres de l’association cela leur permet de voir concrètement qu’iels ont un impact, au moins sur la mise à disposition de repas.
C’est intéressant les coulisses de la recherche, car de l’extérieur le processus paraît opaque !
Oui, c’est une bonne question, d’autant plus délicate que notre système économique n’encourage pas à aller vers ce qui paraît « moins bien », déjà usé ou de seconde main… on veut du neuf et du brillant !
J’ai hâte de lire la suite car c’est un questionnement permanent chez nous…
En réalité, l’alerte pandémique nous avait donné un peu d’espoir sur un changement plus structurel possible mais plus le confinement dure sous différentes formes et à divers degrés, et plus notre espoir s’amenuise. Car il nous semble que les frustrations accumulées durant plus d’un an vont déboucher sur une sur-compensation en termes de consommations diverses et l’avion, par exemple, y occupera une belle place. Il suffit d’écouter les responsables d’aéroports qui se préparent à une ruée de voyageurs dès le confinement levé. Et le discours politique dominant va dans le même sens…La croissance « à tout va » n’est pas vraiment remise en cause, en Belgique en tout cas…
Je vous recommande l’excellent documentaire « un grain de sable dans la machine » qu’on peut revoir à l’adresse suivante:
https://www.rtbf.be/auvio/detail_le-grain-de-sable-dans-la-machine?id=2739540
Ainsi que la lecture de Bruno Latour par exmple…
Merci pour cette recommandation de documentaire !
Oui, c’est une bonne question : dans quel sens nous conduira la crise sanitaire actuelle ? Je ne suis guère optimiste, pas seulement au niveau des individus, mais au niveau des décisions et orientations étatiques et économiques.
Hallo Ophélie, Je trouve ton article particulièrement juste pour décrire ce sentiment de ne pas réussir à faire assez face à la situation actuelle ! Je suis aussi à Berlin, vegan et freegan, serait-il possible d’avoir le nom de l’asso que tu décris pour pouvoir la rejoindre ? J’imagine que tu ne veux pas la donner publiquement, mais je serais super intéressée d’y investir un peu de temps 🙂
Andréa
Je t’ai envoyé un mail ! 🙂
Bonjour Ophélie, je suis très intéressée par ce type de recherche. Cela reste dans la veine des utopies rassemblées dans le livre-film « Les sentiers de l’utopie » réalisé par Isabelle Fremeaux et John Jordan (2e édition en 2012) qui laisse entrevoir toute une série d’initiatives « bien vivantes logées dans les interstices invisibles du système » et qui « laissent deviner dans les brèches du présent, les scintillements d’un autre avenir possible » (pour reprendre les mots de la 4e de couverture). En ces temps d’incertitude nous avons besoin plus que jamais de connaître ces projets. Cela fait un bien fou.
Merci pour ton article si bien écrit : on y était avec toi !!!
Hâte de lire le prochain…
Merci beaucoup pour la référence, je n’ai ni lu le livre, ni vu le film ! Je travaille beaucoup sur la notion d’interstices 🙂
très bel article pour prendre conscience ! de mon coté j utilise too good too go pour éviter le gaspillage alimentaire et honnetment ce qui etait destiné à la poubelle est assez affolant ! en plus, je fais pas mal d économies ce qui est non négligeable.
Je n’ai jamais utilisé Too Good To Go, mais j’avais lu comme critique de ce modèle que, le problème, c’était que les restaurateurs réservaient maintenant leurs invendus à cette application afin d’en tirer un profit plutôt que de les reverser à des associations de charité alimentaire, notamment pour les sans-abris, ce qui pose d’importants problèmes à ces dernières qui peinent à trouver des dons alimentaires… Il faut que je me renseigne davantage, mais c’est une critique puissante.
Bonjour et merci pour cet article que j’ai trouvé très intéressant. L’envers du décor de la recherche et la réflexion sur l’individu. J’adore !
Je me permets de répondre sous ce commentaire car je travaille en épicerie bio et clairement, nous perdons clairement de l’argent :
la boîte perd de l’argent car ce sont des produits que nous vendons à prix réduits à nos clients en temps normal et là l’application nous demande de les réparer à l’avance et que les paniers soient dispo dès 17h (l’entreprise choisit mais dans tous les cas, ce sont des produits que nous sortons du circuit avant un potentiel achat). Sans parler du fait que les employé°e°s y perdent puisque c’étaient des produits qui partaient parfois en perte et donc que l’on pouvait se partager.
Donc, pour le principe de l’image (et alors que nous avons très peu de perte), l’entreprise et les employés perdent de l’argent pour y participer.
Je suis sûre que certaines entreprises font un geste généreux car sinon ces biens partiraient à la poubelle. Mais je pense que nous ne sommes pas les seuls dans ce cas.
J’ai adoré découvrir les coulisses de tes recherches sous ce format. Comme le dit Bounza plus haut, c’est vivant, et le sujet est tout aussi intéressant que ton écriture captivante. Vivement la suite :-).
Oh, merci beaucoup Natasha ! Je crois que j’en ai déjà quelques autres en réserve 😉
Vraiment un chouette article ! Et c’est sympa comme idée de partager des bouts de ton terrain de recherche.
J’ai l’impression, en tant que militante associative aussi (sur un tout autre domaine), qu’il s’agit souvent de panser les plaies de l’État. Et en même temps c’est indispensable, ce sont la plupart du temps des vies qui en dépendent. Puis ça m’agace, aussi, parce que je me dis que l’État, ça l’arrange bien de filer des maigres subventions à des associations pour qu’elles fassent bénévolement ce qu’il ne fait pas …
Mais ça reste quand même un lieu de lutte important, et on a trop souvent tendance, je trouve, à créer une fausse dichotomie associatif/politique. Alors que le travail associatif ainsi que les militant.e.s associatives s’inscrivent souvent dans un plus large cadre de mouvement social. Ça permet aussi de voir qu’on peut collectivement se mettre en mouvement, il me semble (et c’est pour ça que je pense qu’il y a une différence entre faire une collecte de nourriture qui servira à des repas partagés et faire ça seul.e de son côté, mais peut-être que je me trompe). Du coup c’est aussi un moteur puissant de mobilisation, mais les questionnements « existentiels » (comme dit dans l’article), les contradictions qui sont intrinsèques au combat politique, c’est des fois compliqué à gérer.
Bref, tout ça pour dire que l’article est très intéressant et qu’il nourrit plein de questionnements. Merci Ophélie. 🙂
Je pratique le freeganisme, la récup’ alimentaire, dans les bennes directement (elles sont tous les matins sur les trottoirs) et ne suis pas la seule ! Pourtant, il y en a – malheureusement ! – pour tout le monde tant les volumes sont importants. Parfois, les produits ne sont même pas périmés, les fruits/légumes même pas abîmés, et j’en ai conclu également qu’il s’agissait de faire de la place sur les rayons/les étals.
Je partage avec toi l’idée que la solution n’est pas la récup’, la lutte contre le gaspillage alimentaire, mais une moindre production (même si, je le concède, je poursuis mes explorations poubellesques pour éviter que toute cette nourriture ne parte à l’incinérateur). Le système est malade, il serait temps de le soigner (voire de l’euthanasier !)
Le paradoxe est que les magasins pensent répondre aux besoins/envies des consommateur.rices. Pourtant, je vois souvent dans la poubelle des fruits et légumes « hors saison » (concombres, courgettes, fraises…) : bien la preuve, à mon sens, que ce n’est pas ce dont les client.es ont envie au mois de décembre !
Pour ce qui est des applis « antigaspi », c’est surtout une grosse aubaine pour les magasins, sinon comment expliquer que, dès le matin, ils puissent proposer X paniers à la fermeture (je parle d’expérience !) ? Là encore, la solution est d’accepter qu’à partir d’une certaine heure, oui, l’offre n’est pas totale (je ne connais qu’un boulanger dans mon quartier qui, passé 17 heures, n’a plus de croissants à vendre !)
Et c’est encore sans parler – en tout cas en France – de la manne ouverte par la loi de 2016 contre le gaspillage alimentaire. Loi qui, a priori, pouvait apparaître comme une bonne idée mais qui est totalement pervertie par la grande distribution :
https://www.bastamag.net/Les-derives-de-l-aide-alimentaire-defiscalisation-hypermarches-surproduction-agro-industrie-grande-distribution
Bref, y a encore du taf !
Je suis plus que preneuse de tes articles, mais c’est surtout la dimension politique qui m’intéresse. Les petits pas sur le terrain – quand bien même ils sont toujours intéressants, la preuve, j’en fais – me paraissent désormais totalement insuffisants (voire contre-productifs ?).
Comment agir à un niveau plus « grand » ?
Merci pour le partage de ton travail, c’est très stimulant de te lire. Je le fais depuis plusieurs années et apprécie l’évolution de tes articles.
Wow, merci. C’est trop bien de te lire à nouveau et de partager tes réflexions sur un thème qui me pose aussi beaucoup question en ce moment…
Merci beaucoup !
Bonjour,
Je rattrape aujourd’hui la lecture de ces « nouveaux » articles et c’est très agréable de découvrir ces nouvelles ouvertures à ton travail. Ce qui est soulevé ici me rappelle d’autres situations qui interrogent la tension entre l’action individuelle / collective et les différentes échelles de la transformation politique. Je parle là depuis une petite ville où s’organisent (entre autres) des distribution gratuite de nourriture végane à partir d’invendus (sur le mode du food not bombs), et des réseaux d’hébergements solidaire.
Je me permets un petit détour par cet autre exemple d’action qu’est l’accueil de personnes migrantes. C’est bien aussi un de ces « pansements », qui décharge les collectivités locales de la responsabilité politique de l’application du droit d’asile, et au logement. L’autrice Karine Parrot utilisait lors d’un échange autour de son livre « carte blanche – l’état contre les étrangers » le terme de « petits barrages symboliques contre le grand n’importe quoi » 🙂 Pourtant du point de vue individuel, nous sommes confronté·es à des rencontres, des réalités qu’il est éthiquement impossible de ne pas considérer (« je ne peux pas laisser cette personne dormir dehors »). Elles peuvent ensuite donner lieu à des formes d’organisations informelles, qui vont plus ou moins tenter de faire exister le problème dans le champs politique. Mais qui prend soin de tout ça ?
Histoire de dire un peu « je », je suis pour ma part épuisée du bénévolat perpétuel, et j’ai arrêté de vouloir sauver aussi bien les légumes que les gens 🙂 d’autant plus que j’ai commencé à faire des statistiques sur mes terrains d’implications et que je constate que ce travail gratuit est majoritairement assuré par des femmes (comme tu le suggères dans ton carnet…), et/ou personnes économiquement fragiles. Pour autant l’épuisement n’est pas un jeté de torchon définitif : je fais l’hypothèse qu’il participe au déplacement de la question vers les institutions, vers leur dimension économique et politique (« je fais ce que je peux et je n’y arrive pas, j’ai besoin de soutien et de relais, aux collectivités d’assumer ses responsabilités – fortes de l’expérience que nous saurons leur transmettre »). Cela à condition de ne pas entretenir autour de cette fatigue des discours individualisants et psychologisants…
Voilà, je serais donc curieuse de lire comment se croisent tes lectures féministes avec ce terrain « fertile » dans tous les sens du terme !
Et j’en profite pour partager cet article d’une chouette revue, sur le travail gratuit
https://pantherepremiere.org/texte/le-travail-domestique-est-la-matrice-pour-penser-le-travail-gratuit/
Merci et bonne continuation sur ton terrain d’enquête !
C’est une réflexion passionnante, merci beaucoup pour ce partage.
Super article. Venue au véganisme après mon militantisme à la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux-Agir pour la biodiversité), je regarde avec horreur les milliers d’hectares de forêts partis en fumée cet été…et la faune associée…j’ai les bras qui tombent…Et à 62 ans, j’en ai vu, des élections…