Cet article est très personnel et j’ai beaucoup hésité à le publier. Si vous venez ici pour parler véganisme et popote, et que les effusions de sentiments, ce n’est pas pour vous, passez votre chemin. Je suis d’ordinaire assez pudique et j’ai choisi de ne pas étaler ma vie ici, mais ce soir, j’avais envie de rendre hommage à un enfant que j’ai beaucoup aimé, un enfant qui est parti il y a deux ans aujourd’hui, laissant derrière lui une déchirure qu’on ne peut que grossièrement recoudre, jamais entièrement estomper. Ces mots, c’est ma manière à moi de raccommoder les bouts de tissus et de faire vivre encore un peu cet enfant parti trop tôt, trop vite, dans les yeux des autres. Parfois, la vie est une chienne, mais il faut l’aimer, la chérir, allègrement, passionnément – la vie, la belle vie.
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Voici le texte que j’ai lu par un noir soleil d’été, devant un petit tombeau blanc.
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Alexandre,
Mon neveu, mon enfant, mon chéri,
Tu es parti, comme tu l’avais dit, un mercredi, avec ta petite souris.
Tu es parti et nous voilà le cœur en peine, nous qui n’avons pas le pas assez délicat et l’âme légère pour nous envoler avec toi. Nous, les grands, ceux qui d’ordinaire protègent les enfants, sèchent leurs larmes, apaisent leurs tourments… Aujourd’hui, le monde est à l’envers, un vilain sorcier a tout inversé, la Terre tourne sur la tête, c’est toi le grand, maintenant, et c’est nous, les petits qui auraient bien besoin de ta souris, c’est nous qui aimerions être consolés, c’est nous qui aimerions que tu nous prennes dans tes bras et que tu nous ôtes le chagrin.
Tu es parti, Alexandre, après avoir vaillamment combattu. Ces longues semaines de bataille, ces longs mois de combat, je ne peux me dire qu’ils étaient vains. A tous, du haut de tes sept petites bougies, tu nous as montré ce que c’était que la foi, le courage et l’espérance. Et nous sommes fiers de toi.
Aujourd’hui, je sais que les choses ne s’en tiennent pas là. Aujourd’hui, je me raconte tes aventures futures, ce fabuleux voyage du petit garçon et de la souris dans le pays de l’Au-delà… voyage épique que tu as entamé mercredi dernier et qui n’est pas prêt de s’arrêter.
Alors, je t’imagine, voguant à travers l’éther, navigant entre les étoiles, t’arrêtant parfois sur quelques planètes pour y assouvir ta soif de savoir et pour y rire gentiment avec leurs habitants. Je t’imagine, galopant avec les astres, enfourchant les étoiles filantes, à califourchon sur les folles comètes, boucles blondes au vent cosmique, un rire en éclats de grelots égrené à chaque pas. Je t’imagine, toujours aussi curieux, écouter le récit de ces êtres d’en haut, toujours aussi gentil, leur parler de ton petit frère, de ton papa, de ta maman, toujours aussi doux, les prendre dans tes bras et leur murmurer, au coin des joues, des choses jolies, tout bas, tout bas.
Car tu vois, Alexandre, ta fin, je ne peux me l’imaginer.
Aux enfants, on raconte souvent des histoires qui transforment la réalité, mais le conte qui a commencé dans ma tête depuis que tu es parti, je crois bien qu’il est vrai.
Je sais que jamais tu n’es vraiment parti.
Je sais, qu’au fond, tu t’es juste envolé, pas bien loin, à nos côtés, et que, l’œil aux aguets et la souris à la main, tu es là qui nous regardes, un peu embêté de nous voir pleurer, un peu amusé de voir les grands et leurs tourments, toi qui n’es parti que pour mieux nous retrouver. Car nous te retrouverons, petit prince des airs : tu t’es peut-être caché, mais l’amour que nous avons pour toi, la maladie et la mort ne nous le prendront pas.
Alors voilà, chaque nuit, depuis mercredi, je lève la tête et, des yeux, je cherche l’étoile, ton étoile, la menue étoile qui scintille là-haut et qui ne s’éteindra pas.
Nous serons à nouveau bientôt réunis, petit prince de la nuit.
Au revoir Alexandre, à bientôt.
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J’ai, quelque part au Ciel, un petit filleul qui est parti bien vite lui aussi. Trop vite. Tellement vite qu’il n’a pas attendu de naitre et nous a laissés en plan, comme ca, la bouche béé et les bras balants ! C’est un lutin et il avait un prénom de magicien, il s’était installé chez sa maman sans mot dire et lui avait caché sa présence de longs mois. Dans un tour de passe passe, auquel on s’attendait aussi peu que l’on s’était douté de sa présence, il a décidé de continuer ses espiègleries et d’aller, quelque part au Ciel nous surveiller. Même si nos routes avec ses parents se sont séparées, jamais, o grand jamais je n’oublierai celui qui a été mon filleul, trop timide, trop secret, trop discret pour nous rencontrer.
Oh Antigone…. ton billet m’a beaucoup émue, beaucoup touchée…
Ton filleul est tout là haut, dans les étoiles et veille sur toi et ta famille.
Quel courage pour publier cela…
Merci de nous le faire partager.
Déborah,
bellenuecrue.com
Je partage votre détresse ayant perdu un neveu qui après une leucémie et une « guérison », s’en est finalement allé à 20 ans. Et malgré le temps qui s’est écoulé, je ne peux accepter le décès d’un enfant. Il y a une injustice viscérale qui me renvoie à Camus dans la Peste où le fils du juge Othon est crucifié par la Peste. Je suis athée mais je comprends le rejet de Dieu par Camus dans la mesure où nous ne pouvons accepter la crucifixion d’innocents…Ceci étant, il faut bien admettre qu’être vivant tient en quelque sorte du prodige…Tout ceci devrait nous amener à plus de sagesse et de considération – à défaut d’amour – à l’égard de notre prochain.