Pourquoi les hommes cis blancs pensent qu’on ne peut plus rien dire

by Antigone XXI

 

Aujourd’hui, je laisse la parole à Géraldine Franck, responsable du collectif anti CRASSE. L’idée de cet article sur la communication masculine est venue à Géraldine après avoir co-organisé un atelier d’auto défense verbale sur le thème «Déconstruire le spécisme dans un contexte sexiste». L’objectif de l’atelier était d’échanger sur la manière de contrer les arguments spécistes et le sexisme en tenant compte des modalités de communication mises à l’œuvre habituellement par les hommes cis. Géraldine ayant partagé avec moi ce texte, je lui ai ensuite proposé de le publier sur Antigone XXI.        

 

Combattre les arguments spécistes est fatigant. Cela l’est d’autant plus quand des hommes s’appuient sur les privilèges induits par leur socialisation pour tenter de prendre le dessus dans le débat. Malencontreusement, militer n’est pas difficile seulement en raison des hommes spécistes… Cela peut l’être aussi à cause de nos camarades de lutte dont l’engagement pour la cause antispéciste n’efface pas par miracle les attitudes sexistes.

Avant d’énumérer toutes les modalités de communication favorables au genre masculin, j’invite toutes les personnes qui seraient tentées de commenter cet article par un #notallmen à se rappeler que même si tous les hommes cis ne sont pas problématiques dans leur manière de communiquer, ils sont suffisamment nombreux à l’être pour en parler, pour que ce problème soit considéré comme légitime, pour que les hommes se questionnent sur leurs privilèges et pour que les femmes aient à disposition des outils pour mieux cerner les comportements problématiques.

Au fond, peu importe de savoir si les attitudes constatées concernent 60 ou 100% des hommes cis : dans un système patriarcal, tous les hommes bénéficient du fait que les femmes se sentent moins légitimes à parler et  à prendre la place qui leur revient. L’argument #notallmen peut silencier un vécu douloureux qui doit pouvoir s’exprimer. Le problème de ce genre de reproche est qu’il sous-entend : « Moi, je côtoie des mecs pas comme ça (voire « je ne suis pas un mec comme ça »), tu DOIS parler des gens comme mes amis (comme moi) pour me rassurer ! ». Nous n’avons pas besoin d’être rassuré·es quant au fait qu’il existe des mecs biens, nous avons besoin d’outils pour repérer ceux qui ne le sont pas afin de nous armer et les contrer.

 

L’inégale répartition de la parole entre hommes et femmes

Un homme qui parle beaucoup ? Un leader. Une femme qui fait de même ? Une bavarde. Le terme « manterrupting » dénonce cette pratique masculine qui consiste à couper (brutalement) la parole aux femmes pour reprendre le pouvoir sur la conversation. En 1975, une étude des sociologues Don Zimmerman et Candace West révélait que, lors de 42 conversations entre hommes et femmes, la femme était toujours interrompue. En 2014, une autre étude analysait 900 minutes de conversation femme/homme au sein d’une entreprise. Il s’est avéré que les hommes interrompaient deux fois plus les femmes qu’elles ne le faisaient.

Une étude a été menée sur l’année 2017 à la Cour Suprême de Justice des Etats-Unis. Le résultat est sans appel : les hommes ont réagi à l’augmentation du nombre de femmes dans cette artère de justice en les interrompant de plus en plus[1]. Une autre étude de la Brigham Young University estime que les hommes utilisent 75 % du temps de parole au cours d’une réunion de travail et interrompent une femme 23 % de plus qu’un autre homme[2]. Je me souviens d’un débat radiophonique qui a bien failli me rendre spéciste pour soutenir la femme qui débattait face à l’antispéciste Aymeric Caron, qui n’avait de cesse de l’interrompre. En guise de conclusion, après avoir tenté en vain de redonner la parole à la femme, l’animateur a d’ailleurs exprimé le fait qu’il avait trouvé le débat pénible !

Les hommes ont également tendance à avoir moins d’appréhension que les femmes à lever la voix et parler fort. Les femmes ont été sociabilisées à être plus discrètes : en haussant la voix elles perdent en crédibilité et sont perçues comme trop émotionnelles, voire hystériques. Un homme quant à lui sera vu comme engagé, convaincu et convaincant. Pas franchement un coût social comparable !

En conférence, les hommes m’étonnent toujours par une double capacité :

  • Celle de prendre la parole pour compléter l’intervention de la personne qui a assuré la conférence. Tandis que les femmes ont habituellement des questions à poser, les hommes ont des opinions à présenter.
  • Celle de ne jamais minimiser leur propre parole. Tandis que les femmes débutent pour plus de la moitié[3] d’entre elles leur intervention par « Je voudrais juste… » les hommes prennent la parole sans aucune précaution oratoire.

 

Source : Miguel Henriques, Unsplash

 

Une communication à sens unique

Il arrive également fréquemment que les hommes n’écoutent pas vraiment la femme avec qui ils conversent. Un article sur gucmakale[4] a récolté différents témoignages sur Twitter en ce sens :

Homme à deux journalistes femmes « Vous pourriez un jour écrire pour la télé » Réponse : « C’est ce que nous faisons » Homme : « Oui, vous pourriez ».

La semaine dernière un mec m’a dit qu’il adorait Herbie Hancock. J’ai dit, « Oh, j’ai aidé Herbie Hancock à écrire ses mémoires il y a quelques années ». Puis le mec a passé 20 minutes à me parler de la fois où il a vu Herbie Hancock dans un restaurant et qu’il est allé lui dire coucou.

Les hommes cis sont également particulièrement peu doués pour fournir le travail de soutien conversationnel[5]. Ils ne vont pas, via des hochements de tête, des petits sons types « mmmh », « oui », ou encore un visage expressif, encourager leur interlocutrice à continuer de parler. Ils vont également fournir des réponses minimales retardées ou ne pas en fournir du tout.

Un homme rentre chez lui et dit à sa compagne « On a accueilli une nouvelle collègue aujourd’hui ». Elle répondra aussitôt « Ah oui ? », ce qui est un encouragement à en dire davantage. Une femme rentre chez elle et dit à son compagnon « On a accueilli une nouvelle collègue aujourd’hui » Il laisse planer un silence, relativement long, puis articule « Ah », ce qui est un encouragement à ne pas poursuivre cette conversation[6].

Cette année, j’ai rencontré un chercheur qui travaille depuis peu sur une question à laquelle je m’intéresse depuis 14 ans. Je lis beaucoup sur ce sujet et j’y accorde aussi beaucoup de temps bénévole sur le terrain. Nous avons eu une discussion d’une heure. Dès que je disais quelque chose, il reprenait la parole en disant d’abord « non », puis en développant un point qui n’était pas en contradiction avec ce que je venais d’énoncer. Au bout d’une heure, je me suis sentie minable. Il m’a fallu un peu de temps pour prendre conscience que nous n’avions pas des opinions qui divergeaient, mais qu’à force d’entendre « non », j’avais été gagnée par le doute quant à mes connaissances sur le sujet. Les hommes vont généralement être beaucoup plus enclins à dire « non » même pour aller dans le même sens que leur interlocutrice, tandis que les femmes vont d’abord dire « oui » pour soutenir l’effort conversationnel de l’autre puis éventuellement exprimer une nuance voire un désaccord.

 

Quand les hommes savent mieux que les femmes : le mansplaining

Un terme a d’ailleurs été inventé pour décrire la capacité des hommes cis à nous expliquer ce que nous savons mieux qu’eux : le mansplaining (ou mecsplication)[7]. Twitter regorge de mecsplications savoureuses. Je ne résiste pas à en partager une avec vous :

Femme : « Le mansplaining c’est quand un homme t’explique ce que veut dire l’auteur d’un article alors que l’auteur…. C’est toi… »

Homme : « Ce serait pas plutôt quand un homme essaie de t’expliquer des trucs basiques avec condescendance ? »

Les hommes ont également une capacité déroutante à répondre à une intervention d’une femme ou d’une minorité de genre par « C’est plus complexe que cela » ou reformuler en disant « Ce que Bidule a voulu dire, c’est… » comme si notre propos était peu clair, voire trop basique. Parfois, on se demande si notre prise de parole n’est pas en fait utile aux hommes : c’est un podium pour leur prochain monologue. Car oui, souvenons-nous que dans l’espace public les hommes parlent plus que les femmes.

Sur les réseaux sociaux les hommes cis adoptent souvent des comportements dont la récurrence a fini par m’agacer et me prouver qu’il s’agit d’un invariant dans le sens où c’est une attitude délibérée de déstabilisation. Concrètement :

  • Faire préciser chaque terme, ce qui permet de jouer sur le doute qui assaille facilement les femmes quant au fait qu’elles ont employé le bon terme, le bon concept. Par exemple, dans un article traitant de sexisme, je parle « d’hommes » et un homme me questionne « Vous parlez de l’espèce humaine (alors cette dernière dénomination n’est-elle pas plus judicieuse ?) ou seulement des mâles humains ? »
  • Partir du principe qu’il y a une vérité universelle qu’on atteint par la logique et discréditer ce qui ne semble pas correspondre (selon eux) aux critères de scientificité du discours, comme les apports des sciences sociales et de les études sociologiques sur les rapports de domination. Les hommes prétendent alors adopter une posture « neutre »,  d’apparence scientifique, ne reconnaissant pas là leur propre subjectivité[8]
  • Considérer qu’il y a de bonnes et de mauvaises manières de procéder et prescrire les modalités de communication à adopter. Ainsi, dans un groupe féministe intersectionnel, une féministe a diffusé pour information une vidéo d’une action féministe pour permettre à des femmes de se baigner en burkini. Compte tenu du positionnement politique de ce groupe Facebook, cette vidéo n’appelait pas au débat (l’interdiction du burkini étant reconnue comme islamophobe). Pourtant, le premier commentaire posté a été celui d’un homme pour « poser le cadre ». Je le cite : « Dans ce débat (il décrète qu’il y en a un alors qu’il n’y en a pas !) envisagez-vous la possibilité de changer d’avis ? Si non, ceci n’est pas une discussion. » Une dizaine de féministes ont dû lui expliquer qu’il n’y avait pas de débat, que le positionnement politique du groupe sur le sujet était clair. Il n’a eu de cesse de leur poser de nouvelles questions. Florilège : « Vous avez au moins conscience que votre démarche n’est pas rationnelle ? Je n’ai fait que proposer une discussion, et vous niez mon droit à la parole parce que les choses vont de soi ? Je suis désolé, mais cela s’appelle du dogmatisme. Pensez-vous que c’est une bonne démarche que ne parlez qu’aux initiés ? Comment les personnes se sensibilisent-elles à ces questions si ce n’est par le contact des personnes militantes ? Et le fait d’être « informé » veut-il dire que vous avez tous et toutes le même avis sur tous les sujets ? » (et ce n’est qu’un florilège, je vous épargne la version longue).

Bref, vous reconnaîtrez facilement le cis mec blanc au fait qu’il pense qu’ON NE PEUT PLUS RIEN DIRE.

 

Source : History in HD, Unsplash

 

Les inégalités de traitement entre hommes et femmes dans la sphère publique

La société tend en général à discréditer les raisonnements perçus comme féminins, par exemple ceux qui ont une portée émotionnelle, de care. Ainsi des militant·es antispécistes, vont être perçu·es différemment selon leur genre. Les hommes seront drapés d’une aura de social justice warrior tandis que les femmes seront cantonnées à leur soi-disant sensibilité. Vous connaissez le stéréotype du grand-père qui vit entouré de ses chats ? Non, c’est normal, il n’existe pas. Par contre la veille fille à chats…[9]

De nombreuses campagnes féministes ont dénoncé le fait que dans l’espace public il est généralement attendu des femmes qu’elles sourient. Les féministes ont pris en dérision cette injonction au sourire. Des articles de presse ont relaté de nombreux témoignages de femmes qui refusaient d’être souriantes et à qui des hommes, de parfaits inconnus, ont demandé voire exigé d’elles de sourire[10]. Comme souvent, une fois cette inégalité révélée, on a surtout suggéré aux femmes d’arrêter de sourire. Les hommes peuvent continuer à imposer leur visage inexpressif (et donc peu avenant) à la terre entière.

Un dessin de J.A.K., dessinateur au New Yorker, montre un homme et une femme assis à une table. L’homme dit à la femme : « Laissez-moi interrompre votre expertise par ma confiance en moi…». Combien de fois ai-je vu des femmes brillantes mais qui doutent d’elles une fois attaquées par des hommes, dont l’arme principale n’est pas leur connaissance du sujet mais leur confiance en eux. J’ai souvent envié cette capacité des hommes cis à asséner des choses avec tant de foi en leur expertise.  Je me demande souvent ce que cela fait d’avoir autant de certitudes, si peu de doutes.

Un autre grand classique consiste également à appeler les femmes et les minorités de genre uniquement par leur prénom et citer le prénom ET le nom des hommes cis. A mon travail, on a ainsi des Monsieur X et Monsieur Y, mais des Laure, Isabelle ou Mounia.

 

Attaques et minorisation des femmes

Vous savez ce qu’on peut toujours faire à une femme ? L’attaquer sur son physique. Trop grosse, trop moche, pas de menton. Quand une femme est « moche », on peut se permettre de ne plus l’écouter. Et puis si elle ne l’est pas, on peut quand même lui faire croire qu’elle l’est. La société toute entière lui faisant entendre que ses qualités principales reposent sur son physique bien avant son intellect, on parviendra toujours à la faire douter d’une femme en l’attaquant sur sa beauté. A-t-on déjà vu une femme commenter sous une vidéo d’un mec avec qui elle est en désaccord « Si penser comme lui, ça donne cette tête-là, je préfère m’abstenir » ? Même les femmes qui ont réussi, à force de lectures féministes, à déconstruire l’idée de beauté, seront touchées par cette attaque. Quelle femme parvient sincèrement à s’en foutre d’être considérée moche ? Pourquoi leur supposée absence de beauté discréditerait le fond de leur pensée ? De façon plus générale, n’est-il pas très grand temps qu’on arrête de commenter le physique des femmes[11] ?

La chercheuse Ophélie Véron, qui me prête sa tribune aujourd’hui, dispose d’un doctorat et est normalienne. Savez-vous comment, malgré ses titres prestigieux, elle est encore majoritairement présentée ? Comme une blogueuse. Ce qu’elle est évidemment aussi. Mais la récurrence avec laquelle des hommes semblent éluder nos diplômes et nos expériences en dit long sur leur volonté de ne pas reconnaître notre expertise à sa valeur juste.

Globalement, les hommes cis bénéficient d’une notoriété supérieure à celle des femmes et des minorités de genre. Déjà parce que leur confiance en eux leur permet de créer facilement des contenus publics (Chaîne Youtube, page Facebook…). Les femmes créent, elles aussi, mais elles vont diffuser leurs poèmes, leurs photos, leurs écrits militants sur leur page personnelle Facebook et ne vont même pas songer à se créer une page publique qu’il faut inviter à liker.

Les hommes ont également tendance à valoriser d’autres hommes. En 2018, sur un post Facebook, le festival Smmmile avait ainsi mis en avant Sébastien Kardinal avec des qualificatifs dithyrambiques (« Dieu », « star ») et s’est dans un premier temps contenté dans le même post de présenter Marie Laforêt comme une « auteure et photographe bien connue », venue pour remplacer une personne qui avait dû annuler sa présence. Si Sébastien Kardinal comme Marie Laforêt sont effectivement toustes deux très connu·es, c’est clairement cette dernière qui a le plus de notoriété et dont les livres sont le plus vendus et traduits. De la même manière, dans sa newsletter datée du 24 septembre, le salon Veggieworld a écrit « De Montréal à Paris : souhaitez la bienvenue au chef végan le plus connu aux Etats-Unis : Jean-Philippe Cyr, qui va faire un battle culinaire avec le chef végan et auteur du plus grand nombre de livres de cuisine végétale : Sébastien Kardinal. » Jean-Philippe Cyr étant canadien, il me paraît peu probable qu’il soit le chef végane le plus connu aux Etats-Unis. Quant à Sébastien Kardinal, sauf erreur de ma part, il a bien écrit 10 livres, dont 4 en collaboration avec Laura Veganpower. Marie Laforêt en a publié bientôt 18. Soit presque le double.

Minorer la place des femmes tout en exagérant celle des hommes est une expression manifeste de sexisme. Il a fallu que des féministes fassent remarquer cette différence de traitement pour que, sur le post du Smmmile, Marie Laforêt comme Sébastien Kardinal aient droit à des qualificatifs élogieux (saluons la capacité de remise en question du Smmmile, qui n’est pas communément partagée !).

Des conseillères de Barack Obama ont d’ailleurs révélé avoir mis en place la technique de l’amplification. Kesako ? L’amplification consiste à répéter ce qu’une femme ou une minorité de genre a dit en la créditant. Cela permet de contrer le fait que les hommes cis ont tendance à répéter ce qui a été dit par une minorisée de genre, parfois en le reformulant vaguement, pour se l’attribuer sans rendre la maternité de l’idée à qui de droit. Je suis toujours sciée de découvrir, alors que je pensais que tel homme avait fait une chose seul (écriture d’un article, d’un livre, d’une conférence, création d’un logo), qu’une femme l’avait activement soutenue dans le processus de création, voire qu’elle en avait réalisé la moitié mais qu’elle n’en était pas créditée. Par exemple, un couple canadien, Sue Donaldson et Will Kymlicka, a écrit conjointement l’ouvrage Zoopolis. Sur la couverture, les deux noms apparaissent, épouse et époux. A l’oral, il est courant pour les animalistes de ne citer qu’un seul des deux noms. Je vous laisse un instant deviner lequel…  A titre d’exemple, dans une vidéo de iamvegantv intitulée « en finir avec l’élevage intensif » Frédéric Mesguich parle de « Kymlicka et ses collaborateurs » (sic). Même féminisé, « collaboratrice » aurait été inexact puisqu’il s’agit d’une co-écriture. Il y donc là un triple mouvement d’invisibilisation : ne pas citer le nom de la co-autrice, la reléguer au statut de collaboratrice et masculiniser le terme pour gommer son sexe.

Avez-vous entendu parler de Françoise Blanchon ? Si vous n’êtes pas dans le milieu animaliste, c’est normal. Mais si vous y êtes impliqué·es, ce n’est pas normal. Il s’agit de l’une des co-fondatrices·teurs des Cahiers antispécistes, dont on n’entend pourtant que peu parler par rapport aux co-fondateurs. Il faut dire que l’anthologie de ces cahiers, La révolution antispéciste, a été dirigée par trois hommes qui n’ont retenu qu’un seul texte de femme sur 14 (12 chapitres + intro + préface). Les femmes assurent encore souvent un travail invisible (relecture, travail du care pour gérer les conflits et les problèmes des hommes, travail de secrétariat), ce qui leur laisse moins de temps pour produire leurs propres écrits. Néanmoins, le travail qu’elles réalisent reste du travail et mérite d’être reconnu et valorisé.

Bonus de fin: les hommes ne se contentent pas de citer d’autres hommes ils ont aussi tendance à s’auto-citer[12] parfois même sans préciser qu’ils citent leur propre personne[13].

 

Source : Mitch Lensink, Unsplash

 

Harceler les femmes

Dans un autre registre, les hommes peuvent également imposer des contacts physiques qui peuvent mettre mal à l’aise (parler de trop près, toucher, et aussi déshabiller du regard), imposer un rapport de séduction. Pour rappel, quand une femme dit non, c’est non. Et quand elle ne dit rien, c’est non aussi. En cas de désaccord, des hommes n’hésiteront pas à être menaçants physiquement et verbalement. « Tu vas te retrouver handicapée toute ta vie », « Tu es sur la ligne de mire. C’est mon travail et je le ferai bien »., « Je t’ai suivie, je sais où tu es, je sais quand je peux t’attraper »[14]. C’est ainsi que la présidente de Paris Animaux Zoopolis a été menacée de mort pour son combat contre les cirques animaliers.

Mais ces sympathiques remarques ne viennent pas que du côté des spécistes : on retrouve les mêmes formes de menaces au sein du milieu antispéciste. Ainsi, l’activiste antispéciste Gary Yourofsky a déclaré « que chaque femme emmitouflée dans la fourrure doive endurer un viol si vicieux qu’elle en soit marquée à vie.»[15] Evidemment qu’un homme peut être menacé de viol également. Mais toujours par un autre homme. Je n’ai encore jamais entendu de femme proférer ce type de menaces à l’encontre d’un homme.

Un autre grand classique consiste à organiser des cyberharcèlements (coucou la ligue du lol et le forum 18/25 de jeuxvideos.com[16] !) J’ai voulu lister les femmes féministes victimes de cyberharcèlement mais la liste était trop longue et je me suis découragée. Contentons-nous de rappeler que ces raids ont pour point commun leur violence, des menaces de viol, de mort et de défiguration, la divulgation de l’adresse personnelle, des insultes, des attaques sur le physique, ainsi que des centaines de menaces quotidiennes pendant des jours, voire des semaines.

Dans un autre registre, saviez-vous que pour se protéger des prédateurs et des violeurs qui opèrent dans le milieu animaliste des femmes avaient dû mettre en place une page Facebook « Balance ton pourri (protection animale) » afin d’alerter les camarades des hommes dont il vaut mieux se tenir éloignée pour préserver son intégrité physique et psychique ?

Enfin, avez-vous déjà entendu parler du revenge porn ?[17] Sans doute. Avez-vous conscience que seules les femmes en sont victimes ? Pourtant a priori il y a bien au moins deux personnes qui apparaissent sur la vidéo. Mais ce n’est humiliant que pour la femme. Il n’y a d’ailleurs pas forcément besoin de publier la vidéo, la garder sous le coude en en faisant une menace est également bien commode.

 

Vous arrivez désormais à la fin de cet article. Je sais d’ores et déjà quelles réactions il va susciter, aussi je me permets de vous renvoyer sur le paragraphe du début qui parle de #notallmen. Comme l’écrit Fanny Raoul[18] « Aux femmes, permettez que je vous dédie mon ouvrage, femmes pour qui seules j’écris ». Pour les hommes cis : je fournis l’effort de vous aider à décrypter vos comportements problématiques, à vous d’en faire bon usage.

 

Géraldine FRANCK pour le collectif anti CRASSE

 

 

[1] Les trois études sont citées dans l’article https://www.neonmag.fr/les-femmes-sont-toujours-plus-interrompues-que-les-hommes-512322.html

[2]https://www.cadre-dirigeant-magazine.com/reussir-en-entreprise/femmes-se-couper-parole-phenomene-manterruption/

[3] Je dois assister à plus de 20 conférences par an et c’est un constat systématique

[4]https://www.gucmakale.com/wp/women-tweet-their-experiences-with-men-who-ignored-them-in-conversations/?fbclid=IwAR0kuo_Fbuz1av_YJ2EecXUaSUramo0t6kJMtCH5TWP68umxvnLs2qlZeEw

[5] Corinne Monnet, La répartition des tâches entre les femmes et les hommes dans le travail de la conversation https://infokiosques.net/imprimersans2.php?id_article=239

[6] Exemple repris de la BD de Marie Spaak, Sea, sexisme and sun

[7]Le mansplaining est un concept popularisé par les féministes américaines dans les années 2010 qui désigne une situation où un homme (en anglais « man ») expliquerait (en anglais « explain ») à une femme quelque chose qu’elle sait déjà, sur un ton généralement paternaliste ou condescendant (Source Wikipedia)

[8] Merci à Nilo pour ce paragraphe qui lui revient

[9]Une femme à chats (cat lady) est une femme généralement célibataire et caractérisée par l’affection  envers ses chats. Ce stéréotype est le plus souvent employé de façon péjorative.

[10]https://www.mnn.com/lifestyle/arts-culture/blogs/why-men-tell-women-smile

[11] Pour écouter ma conférence sur grossophobie et véganisme : https://www.nonbi.fr/podcast/c/0/i/34709596/grossophobie-et-veganisme

[12]https://www.liberation.fr/direct/element/les-chercheuses-sauto-citent-moins-souvent-que-les-chercheurs_16144/

[13] Camille Brunel par exemple signe un article en mentionnant un passage de son livre sans préciser qu’il en est l’auteur https://lamorce.co/la-toile-naime-pas-les-moustiques/ (Consulté le 02.09.2019)

[14]https://news.konbini.com/societe/video-menacee-de-mort-pour-son-combat-contre-les-cirques-animaliers/

[15]https://fr.wikipedia.org/wiki/Gary_Yourofsky

[16]https://blogs.mediapart.fr/etiennebilger/blog/101118/le-18-25-de-jeuxvideocom-un-forum-dangereux-fermer-de-toute-urgence

[17] Contenu sexuellement explicite qui est publiquement partagé en ligne sans le consentement de la ou des personnes apparaissant sur le contenu dans le but d’en faire une forme de « vengeance ».

[18] Merci à l’artiste féministe Typhaine D de nous rappeler l’existence de Fanny Raoul.